Généralisation de la facturation électronique : une obligation pour les entreprises

La facturation électronique obligatoire : 
Décryptage par Corina Fontaine, Partner Paiements & Post Marché chez onepoint

Dans l’optique d’accélérer la transition numérique de nos modes opératoires, le gouvernement français a instauré l’obligation pour tous les professionnels assujettis à la TVA de recourir à la facturation électronique : une mesure initialement prévue pour 2023, mais finalement reportée à 2024. Cette initiative gouvernementale s’inscrit dans la lutte contre la fraude à la TVA, mise en œuvre par plusieurs États dans le monde (États-Unis, Mexique, Brésil, Italie, Turquie …).

Numérisation des process et modernisation du système de facturation français

L’article 153 de la loi de Finances promulguée en 2020 a défini de nouvelles modalités dans la transmission des factures entre professionnels. De manière progressive, toute entreprise assujettie à la TVA devra se conformer à l’envoi électronique de ses factures (e-invoicing) ainsi qu’à la transmission de certaines données complémentaires (transactions B2B internationales et B2C) à l’administration fiscale (e-reporting).

Cette numérisation progressive de l’économie, qui passe par la transformation de nos process et par l’adaptation de nos outils aux nouvelles technologies, répond à plusieurs enjeux. D’abord, en diminuant la charge administrative liée à la création, à l’envoi et au traitement des factures au format papier, non seulement les entreprises françaises gagneront en productivité et donc en compétitivité, mais les relations commerciales se trouveront également plus sécurisées. De plus et pour simplifier la vie administrative des entreprises, les process liés à la TVA, dont on connait la lourdeur, seront facilités par le préremplissage des déclarations.

Si le sujet est d’importance, c’est bel et bien parce que cette réforme doit permettre de poursuivre la lutte initiée par les pouvoirs publics contre la fraude fiscale.  Autre incidence de la mesure : recourir à la facturation électronique doit permettre de diminuer l’écart de TVA au moyen de recoupement automatisé. En favorisant une continuité dans les échanges entre les entreprises et les organes d’État, le Gouvernement gagnera en visibilité et renforcera sa capacité à piloter des actions en matière de politique économique. Aujourd’hui, plusieurs pays européens, dont l’Italie, ont franchi le pas et ont opté pour la dématérialisation des factures et des données. Cette étape est donc charnière dans les politiques de transition numérique opérées par nos gouvernements.

Un changement des pratiques progressif et adapté

Aujourd’hui, l’échange de factures électroniques en B2G, c’est-à-dire, des professionnels vers le Gouvernement est déjà effectif et a été rendu obligatoire en 2017. À partir du 1er juillet 2024, il faudra s’attendre à la duplication du process en B2B à savoir pour toutes les entreprises présentes sur le territoire national. Cette mise en œuvre est donc progressive et adaptée à  la taille de l’entreprise : au plus tôt au 1er juillet 2024 pour les entreprises les plus conséquentes, au plus tard le 1er janvier 2026 pour les autres.

Le déploiement des obligations d’e-reporting, c’est-à-dire la transmission de données complémentaires sur les transactions B2B internationales et B2C à l’administration fiscale, suivra le même calendrier. Selon le rapport de la DGFIP, la réforme concerne 4 millions d’entreprises françaises (dont 3 850 000 TPE, 150 000 PME, 8 000 ETI et 300 GE) pour un volume estimé à 2 milliards de factures par an.

Un dispositif qui repose sur la mise à disposition d’une plateforme publique

Le déploiement de cette mesure ne pourra s’opérer qu’avec la mise à disposition d’une plateforme publique suffisamment sécurisée et performante pour pouvoir accueillir une telle quantité d’informations numériques.

Prénommé(e) Chorus Pro, cette plateforme publique est conçue pour ne pas bouleverser les usages et pour s’insérer de manière ergonomique dans les pratiques. Elle assure d’ailleurs déjà l’échange dématérialisé des factures du secteur public. Chorus Pro repose sur plusieurs briques :

  • Un annuaire centralisé : référentiel unique géré par Chorus Pro qui rassemble tous les acteurs concernés par la réforme permettant d’adresser les factures et les flux retour
  • Des interfaces : des services transactionnels pour les entreprises non équipées d’une solution de dématérialisation
  • E-invoicing (facturation B2G / B2B) : un système proposant des fonctionnalités de prise en charge des factures B2G et B2B
  • E-reporting : un système permettant de déclarer les données de transaction B2C et B2B internationales
  • Un concentrateur : un système de collecte centralisé des données de facturation provenant des entreprises et des plateformes et d’interfaçage avec les SI de l’administration fiscale
  • Des fonctions support

Trois acteurs interviendront dans la chaîne de facturation : les entreprises, les plateformes et opérateurs de dématérialisation, qui œuvrent pour la transmission des factures à leurs destinataires, et la plateforme publique qui assure la centralisation des données de facturation et de e-reporting pour l’administration française. Plus concrètement, tout professionnel peut déposer directement ses factures sur le portail public de facturation. En cas d’incapacité opérationnelle ou de manque de moyens techniques, elle pourra également recourir aux services des opérateurs de dématérialisation partenaires.

Modalités et formats d’échange envisagés sur la plateforme

En ce qui concerne l’émission et la réception des informations, les interactions avec la plateforme s’appuieront sur trois modes d’échanges intégrés à la brique « interfaces » :

  • Le Mode Portail (espace réservé aux fournisseurs et aux destinataires) : accès aux services transactionnels d’émission et de réception à travers le portail.
  • Mode EDI : échange de données informatisé par intégration des systèmes d’émission et de réception autour de standards communs
  • Mode API : appel des fonctionnalités de la plateforme publique au sein d’un applicatif existant (ex. : mise à jour des statuts de paiement)

Ces échanges seront naturellement encadrés et reposeront sur des normes reconnues pour faciliter les échanges et simplifier l’exploitation des données par l’administration fiscale. À titre d’information, la plateforme publique reprendra les formats les plus utilisés dans sa version B2G, dans le respect de la norme européenne EN16931. S’il existe bon nombre de standards indépendants répandus en France et à l’international, les plus intéressants dans le cadre du programme français sont assurément les suivants : PDF/A-3 ; OASIS UBL 2.x et UN/CEFACT.

Les données de facturation ne sont pas les seules concernées par ces échanges, acheteurs et fournisseurs devront également tenir à jour le statut de traitement de leurs factures, et ce, conformément à l’obligation prévue à cet effet. Si la liste exhaustive des statuts et des données à transmettre à la plateforme est toujours en discussion, on peut d’ores et déjà s’attendre à un schéma conventionnel de suivi dans le traitement des factures : l’acheteur pourra indiquer que la facture a été mise en paiement et le fournisseur pourra confirmer que le paiement est bien encaissé.

Carte-Justificatif