Michel et Augustin, les recettes d’une success-story made in France : rencontre avec son CEO, Sébastien Guillon

Michel Augustin Sebastien Guillon manager.one interview

Créée en 2004, la marque Michel et Augustin est un modèle de réussite entrepreneuriale.

Sébastien Guillon, actuel CEO, revient pour le Journal du Manager sur l’histoire, l’univers décalé, et les ambitions de cette marque dont la culture d’entreprise est unique.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ? Comment êtes-vous arrivé chez Michel et Augustin ?

Cela fait 20 ans que je travaille. J’ai fait mes études à HEC, puis j’ai travaillé 19 ans dans les cosmétiques. Je n’étais pas vraiment prédestiné à arriver chez Michel et Augustin. J’ai travaillé pendant 14 ans chez L’Oréal et ensuite pendant 4 ans chez Johnson & Johnson. Après avoir fait un parcours dans de très grands groupes internationaux pendant assez longtemps, j’ai eu envie d’aller dans des structures beaucoup plus petites, beaucoup plus entrepreneuriales. Je voulais voir comment on pouvait prendre des décisions plus rapidement, comment on pouvait arrêter de passer 80% de son temps à faire de la politique et à être un peu plus dans le concret, dans l’action, au quotidien. C’était une volonté de ma part de vraiment changer.

En parallèle, je suis un grand fan de l’aventure Michel et Augustin, que je connais depuis très longtemps. Je suis un passionné de marques, d’histoires, d’aventures entrepreneuriales et je trouve que Michel et Augustin a une aventure assez incroyable et unique. Me faire une place au sein de Michel et Augustin, c’était un projet que j’avais depuis longtemps.

Pour la petite histoire, c’est Augustin qui m’a contacté il y a un an et demi parce qu’il avait entendu parler de moi. On est allé déjeuner ensemble, il m’a confié que Michel et lui étaient en pleine réflexion sur la manière dont ils allaient donner suite à leur engagement dans l’aventure Michel et Augustin. Il m’a également fait part qu’ils cherchaient à prendre un peu de recul et qu’ils souhaitaient être moins impliqués dans les décisions quotidiennes et opérationnelles. Ils cherchaient un Directeur Général, je leur ai dit que cela m’intéressait, et j’ai mis à peu près 6 mois pour les convaincre. Même si j’avais travaillé uniquement dans les cosmétiques et dans des grands groupes, j’avais suffisamment de passion, de volonté et d’énergie pour reprendre le flambeau, et leur ai montré que j’étais le bon candidat pour les aider à développer leur aventure.

Je suis rentré de New-York, car j’y vivais lorsque je travaillais chez Johnson & Johnson. J’ai eu deux mois de vacances en été 2019 et le 1er septembre, je suis arrivé chez Michel et Augustin. Il y a une tradition chez nous, tout nouveau trublion se voit offrir la possibilité de passer son CAP pâtissier, et je me suis dit que cela serait quand même dommage que le patron de la boite ne montre pas l’exemple. Dès la troisième semaine, j’ai commencé mes cours avec vingt autres trublions, et cela pendant un an. J’ai commencé en étant certainement le plus mauvais du groupe et puis à force de travail, à force de pratique, à force de faire des pâtisseries tous les week-ends à ma famille et mes amis, je viens d’obtenir mon CAP ! On a une promo avec 100% de réussite donc on est très fier ! Chez Michel et Augustin, on est à peu près 110 et je pense qu’on doit être 80 à avoir le diplôme du CAP.

Quelle est l’histoire de la marque ? 

Michel et Augustin existe depuis 16 ans. C’est l’histoire de deux amis qui se sont rencontrés sur les bancs de l’école, au collège en 4ème, ils se connaissent donc depuis longtemps.

Après leurs études, ils sont chacun partis de leur côté. Augustin a essayé de travailler dans 2 ou 3 entreprises sans jamais vraiment trouver celle qui lui correspondait. Un jour, il a eu comme projet de créer un guide des meilleures boulangeries de Paris. Pour l’accompagner dans ce projet, il cherchait quelqu’un. Augustin a contacté Michel, qui était basé à New-York à cette époque. Michel lui a tout de suite dit qu’il était partant. Tous les deux ont gouté les baguettes de toutes les boulangeries de Paris ! Ensuite, ils ont publié un guide, et après cela ils se sont demandés s’ils ne pouvaient pas créer leur propre aventure. Ils ont commencé à faire des petits gâteaux dans la cuisine d’Augustin, qu’ils ont vendu dans le 17e arrondissement de Paris auprès des commerçants locaux. Petit à petit, cela a commencé à prendre de l’ampleur et 16 ans plus tard, on est un groupe qui réalise à peu près 50 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Nous sommes présents sur cinq catégories différentes de produits :

  • Les biscuits sucrés
  • Les biscuits apéritifs
  • Les desserts
  • Les boissons
  • Les yaourts à boire

On a des équipes dans deux pays, une filiale aux Etats-Unis avec 10 trublions et notre siège social qu’on appelle la Bananeraie qui est basée à Boulogne, où se trouve le reste de la tribu. Dans moins d’un mois on déménage dans des nouveaux locaux à Issy-les-Moulineaux. On cherche d’ailleurs des colocataires car l’espace est beaucoup trop grand pour nous et on souhaite sous-louer le deuxième étage de notre future Bananeraie, qui sera la quatrième dans l’histoire de Michel et Augustin.

Travaillez-vous encore avec les deux fondateurs de la marque ? Quel rôle adoptent-ils ? 

Ils sont toujours dans notre conseil d’administration et sont les conseillers du PDG. Je les ai au téléphone, par mail et on se rencontre régulièrement. C’est très important pour toute la tribu d’avoir leurs points de vue, d’avoir leurs opinions. Ils connaissent parfaitement notre aventure et le marché, leurs conseils sont précieux. On est donc très souvent en contact.

Votre culture d’entreprise semble très forte. Comment se manifeste-t-elle ? 

On a de nombreux de rituels ! Ce qui est important pour nous, c’est de partager au quotidien notre aventure sans filtre. Ce fut un parti pris qu’on a choisi très tôt. Je pense que nous étions un peu les pionniers sur ce segment-là, et nous avons conservé cette volonté de publier sur nos réseaux tout ce que nous vivons au quotidien. Ensuite, concernant les rituels, j’ai effectivement parlé du CAP pâtissier un peu plus tôt, mais il existe d’autres éléments, notamment les journées portes ouvertes !

Une fois par mois, tous les premiers jeudis du mois, on ouvre la Bananeraie à tous ceux qui veulent venir pour discuter avec nous, pour goûter nos nouvelles recettes, pour partager certaines idées. Cette année, avec la Covid, ce fut plus compliqué, on a hâte d’emménager dans notre nouvelle Bananeraie et de pouvoir reprendre ces portes ouvertes parce que cela fait partie d’un élément fort de notre culture, qu’on essaye de partager le plus possible avec notre communauté, les fans et tous ceux qui connaissent notre aventure.

Un autre point fort et un autre trait emblématique, c’est le côté « faire avant de faire faire ». On est une petite structure avec relativement peu de moyens, beaucoup moins que ceux de nos concurrents, et on a la volonté de vraiment mettre la main à la pâte, de contribuer, d’être actifs, au-delà du périmètre de chacun. Ce n’est pas parce qu’on va travailler sur la création de nouvelles recettes qu’on ne va pas aller faire des animations en magasin, aller au contact de nos consommateurs ou bien d’aller faire de la distribution d’échantillons à la sortie du métro… Il y a une réelle implication de toute la tribu pour s’engager et faire connaitre notre aventure, c’est un élément important de notre culture.

Aussi, on a tous un tablier orange. C’est une manière de nous reconnaitre lorsqu’on est dans la rue ou dans les magasins. Il y a tout un cérémonial pour recevoir le tablier quand on commence chez Michel et Augustin. On ne reçoit pas le tablier orange dès le premier jour ! Au bout d’un mois, tous ceux qui sont arrivés en même temps doivent préparer pour toute la tribu un déjeuner qu’on appelle le Welcome Apéro. On doit tous faire preuve de notre talent de cuisinier et de pâtissier, qui pour certains, est plus développé que pour d’autres quand on commence… A l’issue de ce Welcome Apéro, on reçoit officiellement notre tablier orange, brodé avec son prénom. Cela fait partie de nos rituels.

Une fois notre CAP pâtissier obtenu, on reçoit officiellement une toque qu’on a le droit d’afficher sur notre trublion. Les trublions sont des personnages, des avatars, qui identifient chaque salarié.

Il y a beaucoup de cérémoniels assez forts chez nous qui nous rendent effectivement uniques, qui font de nous une tribu possédant une forte cohésion et qui est très passionnée dans tout ce qu’elle fait.

On a aussi un vocabulaire adapté, et je me dis parfois qu’il faudrait qu’on publie une bible ou un dictionnaire de nos expressions parce qu’on a beaucoup de termes ! Mais on les apprend plutôt vite et cela nous enrichit.

Michel et Augustin est une marque qui se montre très proche de ses clients, avec un univers très fort. Quels sont les fondements de votre stratégie de communication ? 

Il y a deux choses principales : la première est qu’on a peu de moyens marketing. La plupart de nos budgets sont mis directement dans nos recettes. Nos niveaux de marges sont plus faibles que ceux de nos concurrents parce qu’on souhaite vraiment que nos recettes, nos produits, soient l’outil de communication numéro un pour faire connaitre Michel et Augustin. On a la conviction que lorsqu’un nouveau consommateur goûte pour la première fois un produit, il faut absolument que ce produit soit meilleur que ceux de nos concurrents, on appelle cela l’effet Waouh. Si cet effet ne survient pas, alors on n’a pas de légitimité à être présent sur un certain marché ou sur un certain segment. L’investissement en points de vente est extrêmement important pour nous, on dépense la plus grosse partie de nos budgets marketing sur la dégustation et la découverte de nos produits en magasin. Quand vous verrez des animations aux couleurs de Michel et Augustin, il y aura très certainement un animateur ou une animatrice qui viendra vous faire goûter une de nos recettes. On fait peu de média, on essaye vraiment de privilégier les points de vente.

La seconde, ce sont les réseaux sociaux. On a été connu grâce à des prises de paroles sur les réseaux sociaux qui ont eu beaucoup de visibilité. Il y a quelques années, on avait fait une campagne de recrutement dans le métro, où notre DRH distribuait des fiches de poste en demandant aux gens s’ils connaissaient des personnes qui avaient le profil pour travailler chez Michel et Augustin. Ce sont des vidéos qui avaient fait beaucoup de buzz et qui avaient fait connaitre Michel et Augustin. Au moment où on s’est lancé aux Etats-Unis, il y avait eu beaucoup de communication sur nos réseaux sociaux sur le lancement qu’on avait eu chez Starbucks. C’est un parti pris de partager en temps réel notre aventure, nos prises de parole, la vie de la tribu, sans filtre, de manière très naturelle et réelle.

Je pense que c’est la combinaison de ces deux éléments-là qui ont fait notre unicité, notre caractère et le fait qu’on est aujourd’hui une marque, avec à la fois, un niveau de notoriété très élevé par rapport à la taille de notre entreprise et une côte d’amour assez forte.

Quelles sont vos perspectives d’évolution sur le marché international ?

On s’est lancé aux États-Unis il y a cinq ans, à un moment où on était en pleine croissance en France et on s’est dit pourquoi ne pas essayer d’ouvrir le marché américain. C’était le rêve d’Augustin d’aller vendre des cookies aux américains. On y est allé avec un peu de naïveté en considérant que, le marché américain était plus proche du marché français que ce que l’on s’était imaginé, et on a eu des difficultés à émerger dans un marché aussi important, aussi vaste et avec beaucoup d’intermédiaires. Avec du recul, on s’est rendu compte que le marché était beaucoup plus complexe que dans notre imaginaire, que le goût des consommateurs américains était différents de celui des Français, que les univers retail et concurrentiel étaient différents.

Actuellement, on est en pleine phase de relance et de redéfinition de notre stratégie. On a resserré assez fortement notre gamme de produits pour se concentrer sur les cookies, et en particulier nos Petit Carré qu’on appelle Cookies Squares aux États-Unis. Depuis le mois de juillet, on est rentré chez Whole Foods, un des premiers retailers aux États-Unis. Whole Foods a un positionnement premium avec des gammes bio, des ingrédients de qualité, et qui est tourné vers l’international, c’est un environnement qui nous convient. On a recruté un certain nombre d’Américains afin de gérer le marché US et on a de fortes ambitions pour se relancer aux États-Unis. Au delà de cela, je pense que le marché américain sera de plus en plus traité comme un marché à part entière où il n’y aura pas forcément les mêmes recettes, les mêmes formats qu’en France.

On a également l’ambition de se développer sur des marchés autour de la France. Michel et Augustin est déjà présent en Belgique et en Suisse mais dans les parties francophones de ces marchés. On souhaite aller sur les marchés anglais, allemand, espagnol dans les 2 ou 3 ans à venir pour vraiment se concentrer sur l’Europe, et voir quelles sont les gammes dans nos produits et nos recettes existantes qui sont les plus à même de fonctionner sur des marchés périphériques à la France.

Selon vous, quels sont les ingrédients du succès de Michel et Augustin ?

Avant tout, des recettes incroyables, assez simples et avec des ingrédients de qualité. Pour nous, c’est le goût avant tout ! Si le goût n’est pas meilleur que celui de nos concurrents, ce n’est pas la peine qu’on se lance. C’est cela qui caractérise la marque Michel et Augustin.

On constate également qu’on est perçu comme un produit, une marque ou une recette que l’on va acheter occasionnellement et tout notre challenge est d’en faire un produit du quotidien. Comment peut-on rentrer dans le quotidien des Français ? Éventuellement via des gammes ou des nouvelles catégories. D’ailleurs, je vous donne rendez-vous en mars car on va s’introduire sur une nouvelle catégorie avec un projet extrêmement ambitieux, très excitant. On va apporter une innovation de rupture sur un marché qui a des fortes attentes vis-à-vis des consommateurs et cela correspond exactement à cet angle, d’être plus présent dans leur quotidien avec un produit « rupturiste ».

Comment se déroule la conception de vos recettes ?

Deux équipes travaillent sur les recettes :

Une équipe en R&D, qu’on appelle la Marmitecomposée de trois personnes spécialisées dans le développement technique des recettes. Il s’agit d’ingénieurs agronomes, également pâtissiers car, comme je vous l’ai dit, chez Michel & Augustin on devient rapidement pâtissier.

La deuxième équipe, qui travaille main dans la main avec la première, va se concentrer sur le développement du concept, la proximité avec le consommateur, l’identification des besoins donc une orientation plutôt marketing, mais ce sont également des profils agronomes.

Quels sont les axes de développement actuels de la marque ? 

Il y en a deux.

D’une part, se concentrer sur nos catégories porteuses, et ce qui marche le mieux chez nous sont les biscuits apéritifs. C’est une catégorie sur laquelle on est à +30% de croissance cette année, malgré un contexte un petit peu difficile avec la COVID. On gagne fortement des parts de marché sur l’apéritif. On constate qu’il s’agit d’une catégorie sur laquelle les consommateurs ont envie de se faire plaisir, pour laquelle ils sont prêts à payer un petit peu plus cher afin d’avoir des produits de qualité. C’est vraiment un axe de développement sur le années à venir où on a des fortes ambitions de croissance.

Et d’autre part, comme je vous l’ai dit précédemment, le lancement d’une nouvelle catégorie à partir du mois de mars !…

Nos remerciements à Sébastien Guillon, CEO de Michel et Augustin.
Propos rapportés par l’équipe de manager.one.

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