Redéfinir les codes de la joaillerie : rencontre avec Pauline Laigneau, co-fondatrice de Gemmyo

Pauline Laigneau Gemmyo

Partir à la recherche d’une bague de fiançailles a donné l’idée à Pauline Laigneau et son conjoint, Charif Debs, de bouleverser le monde de la joaillerie en créant Gemmyo. Récemment, Pauline a fondé le podcast Le Gratin, le programme de mentoring Bootcamp et une formation sur la plateforme de marque, GROWTH.

Pour le Journal du Manager, elle accepte de revenir sur son parcours emplit de réussites.

Quelle est l’histoire de votre marque de joaillerie Gemmyo ? Comment l’avez-vous fondée en 2011 ?

Je dis souvent que Gemmyo est né d’une histoire d’amour. Lorsque je me suis fiancée, nous sommes partis avec mon futur mari à la recherche de LA bague de fiançailles idéale et nous sommes donc passés par la fameuse place Vendôme avec toutes ses grandes maisons de haute joaillerie. Pas forcément pour acheter, mais pour vivre cette expérience au moins une fois dans notre vie. Or, l’expérience a été très décevante, le choix des modèles était limité, tout était très cher et l’atmosphère extrêmement intimidante. Autant vous dire que nous ne nous sentions pas vraiment à notre place !

A ce moment là nous avons donc sentis, avec mon conjoint, une opportunité sur le marché de la joaillerie pour un public plus jeune et plus moderne. En 2011, nous nous sommes lancés, et avons créé, avec mon mari Charif Debs, la Maison de joaillerie Gemmyo, de manière un peu folle, sans connaître le secteur. Nous voulions réveiller la belle endormie. Il y a des marques fantastiques mais en réalité qui ne s’adressent pas aux Français. Nous voulions faire de la joaillerie de qualité française et la rendre accessible aux Français. C’est ce que nous essayons de faire depuis 9 ans.

Quel est votre parcours ? Aviez-vous toujours voulu entreprendre ?

J’ai un parcours assez atypique puisqu’à la base, il faut dire que rien de me destinait à être chef d’entreprises. J’étais plutôt bonne élève et après avoir obtenu mon agrégation d’anglais à la sortie de l’ENS je me suis dirigée vers l’ENA, concours dans lequel je me suis énormément investie ! Malheureusement ou heureusement pour moi ma prestation au grand oral d’admission n’a pas convaincu le jury… J’ai eu 2/20 ! Je vous avoue que c’était un choc, moi qui avait tellement préparé ce moment, j’ai senti la terre s’écrouler sous mes pieds ! Après un certain temps de remise en question j’en suis venue à me dire que si le Jury m’avait donné cette note c’était surement parce qu’il ne voyait pas en moi la vocation du service public et qu’il fallait plutôt le prendre comme un cadeau, une opportunité de trouver ce qui me plaisait réellement et ça, c’est l’entrepreneuriat !

J’ai donc décidé de reprendre mes études à HEC. Lors d’un stage, je suis devenue bras droit d’un des fondateurs de la pâtisserie de luxe, Hugo & Victor. Cette expérience m’a fait découvrir le monde de l’entreprise et j’en suis tombée amoureuse. À la fin de cette première expérience professionnelle, je savais que je voulais créer quelque chose !

Avez-vous connu des difficultés particulières au cours de votre aventure entrepreneuriale ?

Bien sûr ! Comme tout entrepreneur j’ai vécu des moments merveilleux où tout allait bien, au-delà même de mes espérances, mais j’ai aussi connu des moments de doute, d’inquiétude, des échecs aussi bien sûr. Je me rappelle notamment des tout débuts de Gemmyo. Nous n’étions pas du secteur, n’avions aucune connaissance en joaillerie et n’avions pas encore de nom sur la place. Il a fallu se battre – et pour être honnête j’ai bien cru que nous n’allions pas y arriver – pour trouver des ateliers qui acceptent de travailler pour nous. Vendre de la joaillerie de luxe sur internet : personne n’y croyait. Il a fallu se retrousser les manches et persévérer. J’ai dû passer plus de 150 appels téléphoniques avant de réussir enfin à décrocher un oui. La morale de l’histoire : considérer que non n’est pas une option !

Quels conseils pourriez-vous donner aux lecteurs du Journal du Manager souhaitant se lancer dans l’entrepreneuriat ?

Ce que je dis souvent à ceux qui me suivent de près ou de loin c’est de croire en leurs rêves les plus profonds et de tout faire pour les réaliser. Si vous voulez vous lancer dans l’entrepreneuriat alors il faut écouter cette petite voix dans votre tête qui vous dit de tout lâcher et de vous mettre à votre compte. Je pense sincèrement que pour réussir il faut entreprendre par passion et pas parce que c’est soi-disant “une mode” en ce moment. Etre entrepreneur est très dur et ce n’est pas fait pour tout le monde. Il faut aimer prendre des coups ou en tout cas préférer les ennuis à l’ennui… Avoir cette lucidité est essentiel pour être entrepreneur.

Un autre conseil qui m’a beaucoup servi ces dernières années c’est de bien choisir les personnes qui m’entourent. Pour moi le travail en équipe est essentiel, c’est le nerf de la guerre, et pour qu’une équipe fonctionne il faut bien en choisir les différents membres. Le management, l’art de déléguer, etc. sont des sujets qui m’intéressent beaucoup et dont je parle d’ailleurs pas mal sur mon podcast le Gratin.

Vous avez créé Gemmyo avec votre mari. Quelles sont les spécificités et enjeux d’un projet entrepreneurial en famille ?

C’est une question que l’on me pose souvent, je dois vous dire que créer une entreprise avec son conjoint, c’est un peu comme mettre tous ses oeufs dans le même panier. C’est hyper exaltant, un peu inconscient aussi peut-être ? Mais ça nous a plutôt bien réussi ! Je pense sincèrement que l’entrepreneuriat en famille n’est pas fait pour tout le monde et même pour ceux à qui cela réussit, ce n’est pas sans efforts ni difficultés. Mais avec le temps on apprend, on fait attention à ne pas tout mélanger, à ne pas répéter les erreurs du passé et surtout à chérir les moment à deux en oubliant complètement le travail. C’est important parfois de se déconnecter pour se retrouver 🙂

Pourquoi avoir créé le podcast Le Gratin en 2018 ?

J’écoutais des podcasts sur l’entrepreneuriat, essentiellement américains, car je trouvais l’offre en français un peu décevante. Or j’ai la chance de rencontrer beaucoup de personnes passionnantes et je trouvais dommage qu’il n’y ait que moi qui apprenne de toutes ces conversations alors qu’en parallèle on me posait en même temps beaucoup de questions. J’ai eu envie de réunir les deux : rencontrer des personnes auprès desquelles j’allais apprendre, et au passage faire apprendre à d’autres.

Sincèrement, je ne pensais pas que l’aventure connaîtrait un tel succès. J’ai déjà dépassé les 100 épisodes sans compter les leçons du Gratin et à présent le Book Club, avec en moyenne 300 000 écoutes par mois, pour des podcasts qui durent une heure à une heure trente, j’en suis très reconnaissante ! Ce que j’adore dans le format du podcast c’est que mes invités ont envie de partager et se confient assez facilement. Cela permet d’exposer des facettes de leur personnalité que l’on n’a pas du tout dans les médias, où tout est succès, tout est beau, à paillettes et compagnie. Or sur leur chemin, il y a eu des moments durs et il nous parlent à coeur ouvert de leur doutes et leurs échecs. Cela désacralise un peu l’effet de mode actuel sur l’entrepreneuriat !

Je reçois aussi des messages vraiment touchants de personnes me disant que tel ou tel épisode les a bouleversés, ou affectés de telle manière qu’ils ont pris des décisions radicales dans leur vie comme lancer leur boîte par exemple. Ce sentiment d’avoir un impact positif sur la vie de personnes, que j’avais déjà avec Gemmyo, est là aussi très fort.

Comment parvenez-vous à gérer de multiples activités ?

C’est vrai que par mes réseaux sociaux et mes nombreuses activités on peut croire que je fais énormément de choses seules mais je vais être transparente avec vous, je suis beaucoup aidée ! Pour arriver à gérer toutes ces activités, il n’y a pas de secret ou de recette magique, il faut bien s’entourer et apprendre à déléguer.

Pour ce qui s’agit de ma manière de travailler, et bien je me donne à fond et surtout je fais des choix. Donc je ne suis pas Superwoman, je priorise. Je me lève très tôt, je fais mon sport car j’en ai besoin, je travaille beaucoup, je dis non à beaucoup d’invitations, de rendez-vous, de projets potentiels. Quand on essaye de faire plaisir en disant oui, on finit par faire mal les choses, se sentir frustré, et on peut facilement se perdre. Donc je me concentre sur des projets qui me tiennent à coeur, Gemmyo, Le Gratin, le Bootcamp et maintenant GROWTH, tous ces projets qui me boostent et m’inspirent pour l’instant, les prochains viendront en temps voulu 🙂

Comment avez-vous vécu la crise de la Covid-19 ? Quel impact cela a-t-il eu sur vos activités ?

Cette période du Covid-19 était et reste toujours, certes, un sacré challenge, mais je suis hyper fière de nos performances malgré cette période étrange. Nos ateliers ont fermé quelque temps pendant le confinement mais toutes les équipes étaient en télétravail et nous avons tant bien que mal réussi à faire des mois excellents pendant cette période ! Pour ce qui s’agit du management pendant la crise, il était très important pour moi de veiller à ce que tout d’abord mes collaborateurs aillent bien et se sentent bien dans cette période de travail à distance. Concrètement, tous les matins je faisais un point avec mon équipe pour garder le contact, tout simplement. C’est très important de recréer du lien malgré la distance sociale qui était imposée.

Chez Gemmyo, on a fait le choix de se concentrer sur les sujets de fond et les projets futurs. On a également travaillé également sur la stratégie de nos réseaux sociaux pour refléter notre plateforme de marque. Si vous ne connaissez pas encore cet outil formidable, j’ai lancé une formation, GROWTH, qui vous accompagne dans toute la création et la mise en place de la plateforme de marque dans votre entreprise, ça vaut à la fois pour les TPE et les PME.

Pour vous donner un exemple d’un nouveau process que avons mis “grâce” au confinement : nous proposons désormais des rendez-vous virtuels à nos clients, pour leur présenter nos bijoux par vidéo. Cela fonctionne plutôt bien ! Malgré le ralentissement de nos activités durant le confinement, cette crise a eu un bénéfice : nous permettre de réfléchir à notre futur, et à tous les sujets de fond que le quotidien nous interdit normalement de traiter. Il faut voir le verre à moitié plein comme on dit ?

Quels sont vos projets pour les prochaines années ?

Je ne parle pas souvent de mes projets à venir, pour la simple et bonne raison que j’aime garder un peu de suspens et laisser le temps à mes (très nombreuses) idées de mûrir avant de les transformer en projets. Comme dit plus haut, j’ai lancé ma première formation en ligne, GROWTH, cette première édition est un condensé de 3 heures sur la plateforme de marque, un concept un peu mystérieux mais qui toutefois me paraît essentiel à maîtriser pour les petites et les moyennes entreprises qui cherchent à avoir une identité et une communication forte et différenciée. Mes projets à l’avenir sont donc de développer cette nouvelle offre de formations en ligne sans oublier bien entendu Le Gratin et Gemmyo. D’ailleurs, un nouveau thème hyper sympa sera abordé dans la prochaine édition de GROWTH qui sort très bientôt, courant octobre, alors restez connectés !

Nos remerciements à Pauline Laigneau, co-fondatrice de Gemmyo.
Propos rapportés par l’équipe de manager.one.

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