Dougs, l’expert comptable en ligne : Rencontre avec son président et cofondateur, Patrick Maurice

Fondée en 2014, Dougs Compta est une société lyonnaise d’expertise comptable en ligne dont la mission est de révolutionner la comptabilité des TPE. De fait, le cabinet offre à ces derniers des outils leur permettant de se concentrer sur le développement de leur entreprise.

Pour le Journal du Manager, Patrick Maurice nous raconte les échecs et les succès rencontrés lors de son parcours entrepreneurial.

Pouvez-vous nous raconter l’histoire de Dougs ? Quel a été le déclic ?

J’ai eu le déclic en 2009, plus précisément lorsque j’ai reçu mon premier iPhone (l’iPhone 3 Gs). C’était un cadeau de ma femme. Elle savait combien c’était compliqué d’envoyer des textos depuis mon Motorola et ses touches. Avec cet iPhone, envoyer des SMS était beaucoup plus simple. C’est comme cela que je me suis aperçu qu’on pouvait avoir accès à YouTube via une application. D’un coup, je me suis dit que si l’on pouvait accéder à YouTube depuis une application mobile, pourquoi ne serait-ce pas possible avec sa comptabilité ?

Entre 2009 et 2015, je n’ai eu de cesse de réfléchir dessus, tenter de trouver des solutions et embaucher des personnes, mais en vain. On peut dire que Dougs était une succession d’échecs suivie d’un succès. Le succès est arrivé le jour où j’ai rencontré Florent Galland, l’un de mes associés et Luc Verdier, ex-CTO et associé. Cela m’a permis de collaborer avec des personnes qui comprenaient enfin ce que je voulais et qui étaient des experts. C’est comme cela qu’on a démarré Dougs.

Aujourd’hui, comment qualifieriez-vous Dougs ? Quelle est votre clientèle ?

Avant toute chose, il est important de souligner que nous sommes une société d’expertise comptable inscrite à l’ordre. Cela signifie que nous pouvons donner des conseils dans tous les domaines dans lesquels un avocat ou un expert-comptable peut en prodiguer. C’est la grande différence avec ceux qui ne sont pas inscrits à l’ordre et qui ne peuvent pas conseiller.

Notre activité consiste à retirer toutes les tâches répétitives et sans valeur ajoutée en les confiant à des robots. Étant donné que nos conseillers sont libérés des tâches fastidieuses, on leur confie des tâches de conseil afin qu’ils puissent collaborer avec des clients. L’avantage dans tout cela, c’est le gain de temps et la possibilité de voir l’activité du client en temps réel. Ainsi, le dirigeant et le collaborateur peuvent discuter sur des éléments tangibles et immédiats.

Quelle est la place du numérique dans l’expertise comptable ? Quels sont les progrès à réaliser ?

On entend tout le monde dire que le premier poste qui disparaîtra avec l’intelligence artificielle, c’est celui de comptable. Aujourd’hui, je le confirme clairement : la production comptable sera produite par des robots à terme et de façon totale. Chez Dougs, on est arrivé à le faire à 80 %. Certes, il y a encore des humains pour regarder, mais dans les années à venir l’intelligence artificielle va totalement nous remplacer dans la partie production. Cela engendrera une plus grande fluidité, plus d’interactivité, de coaching, etc.

Je pense sincèrement que nous avançons dans cette direction. D’ailleurs chez nous, le client sait où il en est à chaque fois qu’il clique sur son espace Dougs. Il connait son résultat actuel ainsi que celui qu’il aura en fin d’exercice. De plus, il y a de fortes chances que dans un an et demi, il puisse savoir où il en est par rapport à la moyenne de ses confrères. De fait, on ira vers davantage de coaching et de conseil, ce qui n’est pas propre à l’expertise comptable. On parle d’évolution, mais c’est complètement faux. Le terme « révolution » semble plus précis, car nous ne faisons pas face à un simple changement d’outil, mais à un changement de philosophie de vie, c’est fondamentalement différent.

Aujourd’hui, les gens passent 70 % de leur temps à faire de la tenue comptable et de la TVA. Bientôt ce sera terminé, dès le 1er janvier 2026. Mais de façon très concrète, c’est une révolution qui est en train de se faire. Chez Dougs, nous le pensons haut et fort : nous sommes experts-comptables et nous pratiquons l’expertise comptable comme ce qui se fera dans 5 ans.

Comment vous démarquez-vous des startups telles que Pennylane ?

L’expertise comptable telle qu’on la pratique nous rend quasiment uniques. En d’autres termes, par rapport à nos concurrents, nous avons l’ADN d’ingénieurs et de développeurs. Aujourd’hui, nous sommes la première startup à Lyon en termes de nombre d’ingénieurs. Alors, ce n’est pas que nous travaillons moins vite, mais c’est que l’on développe beaucoup plus que les autres. Par conséquent, nous proposons de plus en plus de fonctionnalités à nos clients. Pour résumer, je pense que dans un futur proche, l’expertise comptable sera un mix entre une technologie hyper développée et du conseil humain à l’état pur.

Quelles stratégies et actions ont contribué au succès de Dougs depuis 2015 ?

Il est important de souligner deux choses. La première, c’est que nous savions où nous voulions aller et nous étions déjà des professionnels. Autrement dit, on connaissait notre business model. C’était très clair dans nos têtes et nous sommes restés concentrés là-dessus, ce fut l’une de nos forces. La seconde, c’était notre persévérance. Une fois qu’on est persévérant et que l’on sait où on veut aller, les choses fonctionnent d’elles-mêmes.

Une autre de nos forces est qu’on a rarement dépensé de l’argent pour avoir des clients. L’année dernière, nous avons dépensé près de 50 000 € auprès de Google. C’est une somme ridicule comparée aux grosses LegalTech qui dépensent près de 500 000 € par mois. Nous devons également notre succès au bouche-à-oreille, au marketing, à notre site internet, à nos réseaux sociaux et à notre chaîne YouTube qui contient plus de 500 vidéos expliquant de A à Z, la comptabilité, la fiscalité, etc. À ce sujet, j’ai parfois des confrères comptables qui m’envoient des messages de remerciements parce qu’ils ont appris de nouvelles choses sur notre chaîne YouTube. On a des étudiants qui nous écrivent et des clients qui nous disent qu’on a démystifié la comptabilité, etc.

Vous avez levé 25 millions d’euros en juillet. À quoi ce montant va-t-il servir ?

Cette levée de fonds servira à nous rassurer psychologiquement dans un premier temps. Cela peut paraitre idiot, mais nous avons quand même passé des périodes compliquées avec la guerre en Ukraine, la faillite de banque SVB, etc. Toutes ces situations font qu’avoir de l’argent sur le compte nous permet d’envisager un avenir plus radieux, sans avoir à nous préoccuper de tout.

Concrètement, le fait d’être bootstrapé depuis le début nous a poussés à faire des gymnastiques intellectuelles et à faire des choix de façon drastique. Cette somme parait énorme, mais dans la réalité, par rapport aux projets coûteux et prometteurs que l’on souhaite mener, cela nous pousse à muscler notre jeu d’un point de vue technologique. Pareille pour la construction de la société. Nous sommes actuellement 250 collaborateurs et nous passerons à environ 500 collaborateurs en l’espace d’un an et demi.

Enfin, la troisième grande voie sera celle de l’internationalisation. Pour ce projet, nous avons envisagé l’Allemagne et l’Angleterre dans un premier temps.

Quels territoires souhaitez-vous à présent conquérir et pourquoi ?

Comme je le disais, nous envisageons de nous installer en Allemagne et en Angleterre. Pour la simple et bonne raison que la taille de leur marché est similaire à la nôtre. Celle de l’Angleterre est quasiment égale à la France et celle de l’Allemagne est 30 % supérieure à la nôtre.

Alors, tant qu’à faire des efforts, autant se rendre dans des pays où d’un point de vue économique, il y aura du marché. Ces deux pays, surtout l’Allemagne, ont des prix très élevés dans l’expertise comptable contrairement à la France qui a des tarifs plutôt bas. En Allemagne, nos services seraient presque gratuits. D’ailleurs pour ceux qui travaillent avec nous, lorsqu’ils optent pour le pack comptabilité et la formation, une fois tout payé et le crédit d’impôt retiré, cela leur revient à 1,5 € par mois en comptabilité.

Concrètement, il y a des choses à faire et je trouve que l’Allemagne est un marché gigantesque. On va d’abord y aller modérément, c’est-à-dire que 2024 sera plus une année de découverte. Dans un premier temps, nous essayerons de mieux le comprendre pour savoir s’il faut y aller en tant qu’expert-comptable, partenaire ou éditeur. Quant à l’Angleterre, ce sera plutôt rapide. En effet, le ministère des Finances m’a invité en Angleterre, tous frais payés, pour discuter avec eux à propos de l’installation de Dougs Compta sur le territoire.

Comment bien gérer le développement d’une entreprise en interne ? À quels nouveaux défis le chef d’entreprise peut-il être confronté ?

Dougs doit faire face à la scalabilité et c’est extrêmement difficile. La scalabilité concerne également le nombre de clients. On en compte 14 000, donc passer de 0 à 14 000 clients nécessite quelques ajustements au passage. Surtout en interne, au niveau des équipes. Au début, on peut être 2, 3, 4 voire 10, etc. Jusque là, tout va bien. Toutefois, quand on commence à grandir, j’ai de plus en plus de mal à retenir les prénoms de mes collaborateurs. Avant je connaissais les prénoms de tout le monde, mais à partir de 110 – 120 collaborateurs j’ai commencé à souffrir. Et maintenant, à de rares exceptions près, je suis capable de vous donner les prénoms des nouveaux arrivants.

Il y a plusieurs actions qui ont été mises en place pour bien gérer le développement de l’entreprise. Par exemple, tout le monde sans exception s’entretient au moins une fois avec Florent, mon associé, et avec moi. Nous faisons également des stand ups tous les jeudis à 11 h 40 afin d’expliquer ce sur quoi l’on travaille. Il y a une très grande transparence dans l’équipe. Il faut aussi souligner le fait que nous avons beaucoup structuré les équipes en interne. C’est-à-dire que maintenant, on commence à avoir des systèmes verticaux alors qu’avant, ils étaient horizontaux. Nous avons travaillé la profondeur si bien qu’au sein de Dougs, personne ne peut être seul. Tout le monde a au minimum un manager qu’il voit au moins une fois par semaine.

Nous avons également des tas de systèmes comme le sprint et le scrum qui nous permettent de grandir, car la scalabilité représente une grande difficulté pour les startups.

Quelles leçons retenez-vous de cette aventure entrepreneuriale ?

Rien n’est jamais écrit dans le marbre et le chemin qu’on se donne dans la vie est celui que l’on détermine. Bien évidemment, chacun peut croire au destin, mais j’aime toujours cette maxime qui dit que « la chance sourit aux audacieux ». Je pense qu’on a voulu aller au-dessus de ce qu’on était et je suis persuadé que c’était hyper important. Ce que j’en retiens, c’est qu’à plusieurs on peut aller plus loin. Et aussi, quand on croit en son projet, il faut y aller.

Quelles sont vos ambitions pour Dougs ? Sur quoi misez-vous pour votre développement ?

Notre objectif est d’être le premier expert-comptable de France. Pas nécessairement en chiffre d’affaires, mais en nombre de clients pour pouvoir partager notre aventure avec le maximum d’entrepreneurs. C’est cela qui nous motive véritablement ! Nous croyons qu’avec notre solution, les entrepreneurs réussiront à mieux vivre de leur business. Par conséquent, notre indicateur de réussite est le nombre de clients. Dès lors que nous atteindrons 100 000 clients, Dougs deviendra le premier expert-comptable de France.

Nos remerciements à Patrick Maurice, Président de Dougs Compta.
Propos rapportés par l’équipe de manager.one

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