PureNat, le premier textile qui dépollue l’air intérieur : Rencontre avec sa directrice générale et cofondatrice, Manon Vaillant

Manon Vaillant, directrice générale et cofondatrice de PureNat, le premier textile qui filtre et détruit les polluants de l’air.

Fondée en 2020, PureNat est une startup industrielle DeepTech qui préserve la santé et le bien-être des populations. La startup développe le premier textile du marché qui filtre et détruit les polluants de l’air.

Pour le Journal du Manager, Manon Vaillant nous raconte l’histoire du premier textile qui dépollue complètement l’air intérieur.

Pouvez-vous revenir sur votre parcours professionnel et entrepreneurial ? Quelles sont les grandes étapes ?

Pour la petite histoire, je suis ingénieur de formation en biotechnologie. Mon domaine tourne autour des bactéries, des virus, etc., et mes études portent surtout sur la façon dont on utilise le vivant à des fins industrielles pour proposer des technologies favorables à un monde plus vert et plus durable.

Pendant 10 ans, j’ai travaillé chez un fabricant dans le monde de la chimie du végétal. J’y occupais des postes marketing (d’abord opérationnel, puis stratégique) ce qui m’a valu une double casquette scientifique et business. Au bout de dix années, j’ai atteint une maturité qui faisait naître en moi le besoin d’entreprendre. Je souhaitais arrêter le salariat et cela s’est produit lorsque Natacha Kinadjian Caplat, mon actuelle associée, lançait la startup PureNat pour exploiter le fruit de ses travaux de recherches. En effet, elle était en quête de la personne qui l’accompagnerait dans cette aventure.

C’est grâce à cette rencontre que nous nous sommes associées toutes les deux au sein de PureNat. Aujourd’hui, nous exploitons son innovation.

Quelle est l’histoire de PureNat ? Comment avez-vous rejoint cette aventure ?

Il faut savoir que c’est Natacha qui a monté l’entreprise. Elle est l’inventrice, la chercheuse à l’origine de la technologie mise au point par PureNat. En revanche, Natacha a un profil très scientifique et elle en avait conscience. Pour pouvoir développer correctement ce projet, il lui fallait compléter ses compétences avec une personne ayant un profil « business ».

De manière assez originale je dirais, elle a fait paraître une offre d’emploi pour recherche d’associé. Sur cette offre d’emploi était décrit un profil avec des compétences marketing et commerciales, dans un secteur d’activité qui s’apparente à la désinfection de l’air. Sachant que j’avais travaillé pendant 10 ans sur la désinfection des surfaces (dans des locaux), c’était une thématique qui me parlait. À cela s’ajoutait l’implantation géographique sur Anglet, l’endroit où je vis et où je souhaitais continuer d’évoluer professionnellement. Pour couronner le tout, elle proposait un défi entrepreneurial, ce que je cherchais aussi. C’était le déclic !

À l’époque, j’avais des alertes emploi de secours sur LinkedIn le cas échéant, même si je ne voulais plus retourner dans le salariat. Et cette offre d’emploi m’est apparue. Un projet orienté Tech for Good avec un impact positif pour la santé et l’environnement, ce qui me parlait énormément. On va dire que les planètes étaient alignées. J’ai donc postulé, puis nous nous sommes rencontré et vous connaissez la suite.

Pouvez-vous présenter le concept et l’activité de PureNat ?  

PureNat fait de la dépollution de l’air intérieur. Aujourd’hui, les solutions qui existent pour traiter l’air intérieur ne permettent pas de le faire de manière suffisamment performante. Encore moins avec des moyens écologiques et durables. Notre innovation nous permet de proposer au marché une nouvelle technologie capable d’améliorer les performances de traitement de l’air. En détruisant la pollution à la source, on est capable de le faire de manière vertueuse et durable.

Notre solution se base sur la chimie des matériaux. En effet, nous avons développé un matériau composite, un fil capable de détruire tous les polluants organiques qui se trouvent dans l’air. Autrement dit, les bactéries, les virus et les polluants chimiques organiques qui sont la plupart du temps émis par le bâtiment (les revêtements, la peinture, le mobilier, les cols, etc.). À partir de ce fil, nous fabriquons le premier textile du marché qui va non seulement capter, et arrêter les polluants, comme un filtre. D’ailleurs, c’est actuellement ce qui est utilisé pour traiter l’air.

Par contre, à la différence d’un filtre normal, tout ce qui est stoppé sera détruit. C’est là que réside notre innovation. Étant donné qu’il n’y aura plus l’encrassement du filtre, il devient inutile de le changer aussi régulièrement. Cela évite une maintenance lourde et coûteuse, l’accumulation et l’incinération des déchets qui a un impact catastrophique.

De plus, l’innovation est développée de sorte à apporter des performances supérieures à ce qu’apportent les filtres actuellement.

Qu’est-ce qu’une technologie biomimétique, et comment fonctionne-t-elle ?  

Le biomimétisme consiste à s’inspirer de ce qui existe naturellement dans le monde vivant et de le reproduire de façon industrielle pour en tirer les avantages de fonctionnalités hors du commun.

Durant sa thèse, Natacha a développé un nouveau procédé de filage permettant de fabriquer un fil photocatalytique dépolluant flexible. La méthode mise au point permet de structurer une fibre complexe imitant les alvéoles des éponges marines. Cette structure est un atout majeur qui donne un équilibre parfait, jamais obtenu jusqu’alors, maximisant les échanges entre l’air et la matière active purifiante, pour de meilleures performances d’épuration.

Quels défis avez-vous rencontré lors de votre aventure avec PureNat ?  

Mon premier chantier a été de reprendre le business plan. Je me suis également chargée d’actionner davantage l’étude de tous les marchés et du territoire dans lequel on pouvait s’implanter. Quel business model était plus intéressant à développer ? Il m’a fallu revoir toute l’exploration marketing du sujet, car il ne suffit pas d’avoir une innovation de rupture pour réussir. Vous aurez beau avoir la meilleure innovation du monde, s’il n’y a pas un besoin et que vous ne comprenez pas la meilleure façon d’accéder à ce marché, l’activité ne marchera pas.

Le second axe dont je me suis occupée concerne les questions de financement. Notons que nous sommes une DeepTech, car nous proposons une innovation de rupture. De ce fait, il y a un temps de développement très long avant de pouvoir accéder au marché lorsqu’il s’agit de sujets d’innovation comme celui-là. Comment faire pour financer ces phases de développement extrêmement coûteuses alors qu’on ne fait pas de chiffre d’affaires ? C’est un réel enjeu et si l’on veut survivre, il faut trouver des leviers de financement. Ce sont les deux grands défis auxquels j’ai dû faire face.

Vous avez levé 1,1 million d’euros en mars 2023. À quoi ce montant a-t-il servi ?  

Concrètement, ces fonds nous permettent de structurer PureNat. Avant la levée, nous étions 4 en termes d’effectif. À savoir une stagiaire, un alternant, les deux associées (Natacha et moi). Depuis la levée, nous avons pu recruter et aujourd’hui, nous avons 4 salariés et une prestataire externalisée sur la partie administrative. Sans oublier que nous avons d’autres recrutements en cours.

En outre, cette levée de fonds nous aidera à réussir l’amorçage industriel. La première étape de notre phase R&D étant terminée, l’enjeu est de faire le transfert industriel et d’être en mesure de fabriquer. Pour cela, il faut pouvoir monter une unité de production, ce qui nécessite des investissements conséquents. La levée nous aidera donc à terminer cette première phase d’amorçage industriel et à pouvoir démarrer la phase commerciale correctement.

Quelles leçons retenez-vous de cette aventure entrepreneuriale ?

Cette aventure m’a énormément appris. Aujourd’hui, j’en retiens que la bonne posture, selon moi, c’est l’humilité pour soi et une ambition forte pour l’entreprise.

En outre, il y a aussi des indispensables à acquérir afin qu’une entreprise fonctionne correctement :

  • Bien s’entourer : choisir ses partenaires et ne pas hésiter à en choisir beaucoup pour chaque spécialité inhérente à la gestion d’entreprise. L’écosystème, les réseaux en lien avec son secteur d’activité et sa typologie d’entreprise sont également des facteurs importants à cultiver. Ils permettent d’actionner tous les leviers de réussite et d’ouvrir toutes les portes le moment venu : institutionnels, associations, collectifs, clusters
  • Bien s’associer : difficile d’avancer seul. Il me semble crucial de pouvoir partager le risque et les réussites avec un associé de confiance partageant la même vision et les mêmes valeurs que vous. Toutefois, il serait plus intéressant que cet associé ait un mode de fonctionnement différent et des compétences complémentaires aux vôtres. Cela permet de challenger chaque décision au quotidien et d’enrichir la réflexion et les angles de vue.
  • Bien recruter : les équipes sont la première ressource clé de l’entreprise. Le recrutement est une étape cruciale et les équipes doivent être soignées au quotidien. Le management de l’organisation et la mise en place du cadre pour l’organisation sont prioritaires. En effet, les équipes performantes sont celles qui trouvent du sens à ce qu’elles font, qui se sentent intégrées, impliquées, reconnues, valorisées et responsabilisées. Cela passe par une communication sans filtre et beaucoup de temps de partage en interaction constante entre les équipes. La culture d’entreprise et la co-construction de la vision puis des objectifs et des plans d’action sont pour moi une clé pour fidéliser les équipes et les amener à performer.
  • Avoir un marché ! Même la plus incroyable des innovations, d’un point de vue technique ou scientifique, n’aura aucune chance de réussir si elle ne répond à aucun besoin fondamental. L’innovation a de l’avenir seulement lorsqu’elle répond aux besoins du monde.
  • La puissance du storytelling. Il est important de savoir raconter l’histoire de son innovation et la façon dont elle peut changer le monde et la vie de sa cible. Vendre une innovation passe avant tout par un bon storytelling, et c’est aussi ce qui permet de lever des fonds.

Quelles sont vos ambitions pour PureNat ?  

Nous voulons faire de PureNat le Gore-Tex de la dépollution de l’air intérieur. En intégrant notre technologie partout où il est nécessaire de dépolluer l’air : bâtiments, cabines d’avion, habitacles automobiles, chaînes industrielles

Évidemment, nous souhaitons que ce déploiement se fasse avec un rayonnement international. Et cela, tout en restant un industriel français, en créant une usine (ou plusieurs) en France. Une façon pour nous de participer à la souveraineté française et à la réindustrialisation de la filiale du textile industriel, largement délocalisée en Asie.

Nous souhaitons faire de PureNat une réponse incontournable aux sujets de décarbonations de l’industrie, et participer ainsi aux objectifs de neutralité carbone à horizon 2040.

Sur quoi misez-vous pour votre développement ?

Pour que le développement de PureNat soit un succès, nous avons décidé de nous focaliser sur trois axes. Le premier est l’innovation. Nous continuons sur ce dynamisme avec des programmes R&D ambitieux. Des programmes qui nous permettront de continuer d’avancer en termes de qualité et performance de la technologie, de recyclabilité, de circularité pour notre économie, de diminution des déchets industriels, de facilité à intégrer la technologie partout où cela est nécessaire et de réduction des consommations énergétiques.

Le second facteur est l’outil industriel. Notre plus grande limite à ce jour réside dans nos capacités industrielles. Elles nous imposent pour le moment de rester conservateur et d’effectuer des choix commerciaux stratégiques. Ainsi, nos défis industriels pour se développer à la hauteur de nos ambitions sont :

  • augmenter les cadences de production,
  • être capable de fabriquer un nouveau produit 2en1 plus facile à intégrer,
  • fabriquer des textiles plus performants.

Enfin, le dernier facteur est l’export. Nous prévoyons de cibler en priorité les pays les plus attractifs en termes de données de marché et de comportement vis-à-vis du sujet de la qualité de l’air. On peut citer l’Asie, les États-Unis, l’Allemagne, l’Europe du Nord, le Qatar et l’Arabie Saoudite. Des études de marché plus approfondies seront nécessaires pour affiner notre projet.

 

Nos remerciements à Manon Vaillant, Directrice Générale & cofondatrice de PureNat.
Propos rapportés par l’équipe de manager.one

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