Comment former et accompagner les entrepreneurs de demain ? Rencontre avec Mathieu Nebra

manager.one est allée à la rencontre de Mathieu Nebra, le co-fondateur d’OpenClassrooms. C’est à l’âge de 13 ans qu’il fonde, dans sa chambre, le Site du Zéro. Vingt ans après, paré d’un nouveau nom, ce projet d’enfance est devenu une EdTech au succès grandissant.

Nous avons interrogé Mathieu Nebra sur la place de l’éducation dans l’entrepreneuriat : comment former et accompagner les entrepreneurs de demain ? Il a accepté de revenir pour nous sur l’évolution de l’éducation en France, la place des EdTech dans l’écosystème français et mondial, ou encore la formation des jeunes entrepreneurs.

Bonjour Mathieu, et merci d’avoir répondu favorablement à notre invitation. Les formations en ligne connaissent un succès grandissant depuis dix ans, tant chez les particuliers que les professionnels.

Comment pouvez-vous expliquer l’émergence des cours en ligne au cours de cette dernière décennie ? Les écoles ont-elles tardé à s’adapter aux besoins des étudiants ?

Je pense que cela coïncide en bonne partie avec l’émergence de la vidéo en ligne. D’une certaine façon, le succès des cours en ligne est relié à celui de Youtube. Plus de débit, plus d’usage de la vidéo.

Bien sûr, les cours en ligne ne sont pas uniquement en vidéo : nous avons commencé par du format texte historiquement et nous produisons toujours sur ce format ! Les cours texte sur Internet ont toujours existé, quoique plutôt sous la forme d’astuces et de billets de blogs. Les vrais cours structurés étaient rares et en France le Site du Zéro (devenu depuis OpenClassrooms) était probablement parmi les pionniers.

Globalement, il faut du temps pour que les mentalités évoluent. Les contraintes ne sont pas toujours techniques comme on pourrait le penser.

Quelle est aujourd’hui la place de la France dans la formation en ligne ? Sommes-nous en retard face à certains pays, tels que les États-Unis ?

En France, on commence tout juste à considérer acceptable qu’on puisse se former en ligne et être diplômé.

Nous avons des années de retard sur les Etats-Unis où cette pratique est plus courante depuis un moment : la plupart des universités traditionnelles s’y sont mises et, désormais, cela représente une part importante de leurs étudiants.

Vous avez débuté votre aventure entrepreneuriale très jeune, à l’âge de 13 ans. Pensez-vous que l’école en France prépare suffisamment à l’entrepreneuriat ? Comment pourrait-on aider davantage les jeunes à se lancer ?

À mon époque, l’école ne préparait pas du tout à l’entrepreneuriat.

Je sais et vois que cela a changé. Il y a des cursus entrepreneur dans les écoles, des incubateurs, un statut d’étudiant entrepreneur (c’est fou !), etc. Je dirais que les choses ont commencé à bouger peu après que j’ai terminé mes études en 2008.

Je pense donc que l’on fait déjà pas mal de choses. S’il fallait trouver des améliorations, je dirais qu’il serait bien d’en parler plus tôt, dès le collège, en faisant systématiquement intervenir des personnes de l’extérieur en classe. Il n’y a rien de tel qu’un vrai témoignage du terrain. Tout ne peut pas s’enseigner de façon théorique.

Si, une fois par an, on était exposé à une diversité de profils venus de l’extérieur (entrepreneurs dans la tech, mais aussi agriculteurs, salariés dans la banque, dessinateurs…), on ferait un grand pas en avant pour aider à l’orientation des jeunes.

Par ailleurs, je crois sincèrement au mentorat entre personnes expérimentées et personnes qui souhaitent démarrer : c’est un outil tellement puissant qu’on en a fait la base de notre pédagogie sur OpenClassrooms. On devrait développer le mentorat entrepreneurial.

Selon vous, quelles qualités vous ont-elles permis de développer votre entreprise ?

Au départ, je dirais la jeunesse : le fait de ne pas savoir ce qui m’attendait, d’être un peu fou et de ne pas trop réfléchir. Se lancer, se jeter à l’eau. C’est comme cela que l’on peut innover.

C’est paradoxal parce qu’on dit de moi que je réfléchis beaucoup et que je cogite tout le temps. Je pense que cela me permet d’imaginer des solutions, d’être créatif, mais ensuite j’ai besoin de passer à l’action même si j’ai une idée imparfaite. Il n’y a rien de pire que de réfléchir des années en attendant la solution parfaite : le monde avance, avec ou sans nous ! Autant que ça soit avec nous.

Par la suite, on a bénéficié de l’expérience de personnes venues de l’extérieur qui nous ont apporté des compétences juridiques, financières, de management… qui nous ont été très utiles dans le développement de l’entreprise.

Peut-on se former à l’entrepreneuriat ? Comment les créateurs d’entreprise peuvent-ils préparer leur projet et acquérir les compétences nécessaires à la gestion d’entreprise ?

Oui on peut se former : il faut juste être prêt à toucher à tout, surtout au début. Il faut donc se former en même temps au produit, à la compta, aux RH, au support client, au marketing, au commercial… On propose d’ailleurs une formation d’entrepreneur sur OpenClassrooms.

C’est un métier un peu particulier car on doit se lancer rapidement et aussi apprendre continuellement sur le terrain par la pratique, si possible en bénéficiant de l’aide d’un ou plusieurs mentors. C’est le cocktail idéal !

En fait c’est amusant… maintenant que je dis ça, en me relisant, je pense que ces conseils sont valables quel que soit le métier, pas juste pour les entrepreneurs. On doit être prêt à pratiquer, à apprendre toute la vie, avoir des mentors. C’est juste encore plus évident quand on devient entrepreneur, mais si vous visez un job de chargé de communication en CDI, ces conseils s’appliquent tout aussi bien.

Les start-ups françaises sont-elles suffisamment accompagnées ? Que pensez-vous de l’écosystème entrepreneurial à Paris ?

Globalement, je pense que les startups françaises sont suffisamment accompagnées : il y a tout un écosystème autour de la startup, particulièrement à Paris mais aussi en région.

Je pense, notamment, aux aides à la création d’entreprise type ACRE, aux incubateurs, aux conférences, aux accélérateurs, aux porte-étendards comme Station F… Il n’y a pas matière à se plaindre.

Je pense simplement que tous les entrepreneurs devraient avoir un mentor qui les suit. Je sais que je me répète, mais je trouve que c’est tellement important de pouvoir parler à quelqu’un qui a plus d’expérience que nous dans l’entrepreneuriat… Et qui n’est pas impliqué dans l’entreprise (au contraire de l’investisseur, du banquier, du comptable…).

Comment voyez-vous l’éducation dans 10 ou 20 ans ? Les écoles en ligne auront-elles remplacé les cours physiques ?

Les écoles en ligne n’auront pas remplacé les cours physiques. Je ne dis pas ça pour être poli, mais parce que je le pense vraiment !

Déjà, il ne faut pas confondre « école » et « cours ». Une école peut ou non avoir une implantation physique, elle peut ou non avoir tout ou partie de ses cours en ligne…

Je suis certain qu’il y aura plus d’hybridation : les écoles uniquement « physiques » seront plus rares mais les écoles purement « en ligne » — si développées — ne seront pas forcément la norme.

Il y a des avantages et des défauts au physique comme au online. Il faut juste savoir tirer parti, intelligemment, du meilleur des deux mondes et surtout ne pas oublier qu’il n’y a pas UNE formule d’éducation meilleure que les autres. Il faut s’adapter à chaque étudiant, c’est vraiment pour moi le plus important. La technologie reste secondaire.

Quelles sont les grandes orientations d’OpenClassrooms ces prochaines années ? Dans quelle direction souhaitez-vous aller ? Que pouvons-nous attendre ?

Nous travaillons de plus en plus avec les entreprises et leurs salariés qui ont besoin de formation continue. Il y a des besoins énormes pour s’adapter aux dernières technologies, changer de métier au sein de l’entreprise quand le sien devient obsolète…

Nous faisons aussi de plus en plus de formations en alternance : c’est un super modèle qui est en train d’évoluer de plus en plus. La formation est financée par l’entreprise, elle a lieu en même temps que la pratique en entreprise, l’étudiant reçoit un salaire… Bref, c’est à se demander pourquoi on ne le fait pas plus depuis plus longtemps ! Il faut juste qu’on fasse passer le mot que l’alternance peut désormais démarrer à tout moment de l’année et que c’est accessible à tous les niveaux scolaires, du brevet au Bac +5 en data science : tout le monde peut y avoir accès !

Enfin, nous nous étendons à l’international avec de belles perspectives au Royaume-Uni, aux Etats-Unis mais aussi en Afrique. Bref, on ne va pas s’ennuyer !

Nos remerciements à Mathieu Nebra, co-fondateur d’Open Classrooms.
Propos rapportés par l’équipe de manager.one.

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