« C’est pas neuf, c’est nouveau », le reconditionné de Back Market : Rencontre avec Thibaud Hug de Larauze

Le spécialiste du reconditionné des appareils électroniques, Back Market, a été créé en 2014 par Thibaud Hug de Larauze.

Il revient sur cette aventure française hors du commun dans le Journal du Manager.

Pouvez-vous nous raconter l’histoire de Back Market ? Comment fonctionne votre activité ?

À l’origine de Back Market, il y avait plusieurs constats :

  • Plusieurs sites de e-commerce proposaient des produits reconditionnés mais sans réelles garanties pour le consommateur, noyés au milieu des produits neufs et d’occasions
  • Chaque année, de plus en plus d’appareils électriques et électroniques neufs sont mis sur le marché et le nombre de déchets d’équipements électriques et électroniques ne fait qu’augmenter
  • Aucun géant de la high-tech, aucune plateforme généraliste ne se soucie de ce que deviennent les tonnes de déchets électriques et électroniques

C’est pour cela que nous avons décidé de lancer Back Market en novembre 2014. C’est donc une place de marché qui permet aux consommateurs d’accéder à des milliers de produits techs remis à neuf, par des professionnels certifiés. Nous sommes actuellement dans 9 pays : la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Belgique, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Autriche et les Pays-Bas. Il y a 345 salariés répartis dans 3 bureaux : Paris, Bordeaux et New-York.

Concernant le fonctionnement :

Sur Back Market, le consommateur peut donc acheter des produits réparés, vérifiés et garantis, directement aux usines de reconditionnement certifiées, ainsi qu’aux distributeurs et aux marques grand public qui reconditionnent leurs appareils. Les prix sont inférieurs de 30 à 70% au prix du neuf et chaque produit sur la plateforme est garanti 12 mois minimum et jusqu’à 24 mois en France.

On a aussi très rapidement lancé après notre création le service de reprise, on était un peu précurseur à l’époque et c’est bien que ça commence à se généraliser. Les consommateurs peuvent ainsi revendre les appareils dont ils ne se servent plus via ce service. Il est important de souligner que notre rôle et notre fonctionnement vont bien au-delà de celui de simple intermédiaire via l’image que l’on peut avoir des marketplace. Nous avons une équipe dédiée en interne d’une vingtaine de personnes qui sélectionne les marchands souhaitant vendre sur notre plateforme en fonction de notre charte qualité.

Pour ceux qui sont sélectionnés, nous avons 4 principaux moyens de les contrôler de manière continue, contrairement à de simples plateformes de mise en relation  :

  • Le Passeport Marchand (en amont) : C’est un document qui « audite » le marchand sur différents aspects pour tout savoir de ses pratiques. Il reprend en détail tous les axes de notre charte qualité pour s’assurer que le marchand a de très bons standards. Le marchand s’engage donc à respecter tous les points de notre charte qualité en la signant.
  • La période de quarantaine : les quarante premiers jours, le marchand qui a passé la sélection à l’entrée ne peut pas vendre plus de 10 produits/jour. Chaque vente est scrutée, tout comme chaque réponse, chaque retour client, par une équipe dédiée chez Back Market. Tant qu’il ne satisfait pas nos attentes, ou si son taux de panne est anormalement élevé, son délai de livraison trop long, il reste bloqué et on travaille main dans la main avec lui pour qu’il s’améliore. S’il ne s’améliore pas malgré notre accompagnement, il est exclu définitivement de la plateforme.
  • Le contrôle des données en continu : chaque question posée au reconditionneur, chaque déclaration de pannes, etc. intervient à travers notre plateforme. Nous avons des milliers de données qui nous permettent de voir le niveau de qualité d’un vendeur, et surtout de la comparer par rapport à une moyenne du marché. C’est aussi un moyen pour nous de les faire progresser. Car avec notre algorithme, un vendeur qui n’a pas un score assez élevé ne ressortira pas lorsqu’un consommateur cherche un produit. Notre algorithme est un vecteur de forte différenciation par rapport aux autres acteurs du e-commerce. En effet, il permet au client d’accéder au meilleur rapport qualité-prix selon le produit recherché, son état, son modèle, etc…Pour nous, c’est l’étape la plus cruciale, car la meilleure « vérification » est l’usage du consommateur et les commentaires qu’il va laisser.
  • Les commandes « mystère » (60 par mois) : nous nous mettons dans la peau du consommateur, nous commandons systématiquement chez nos marchands des produits de manière anonyme et nous regardons si leurs envois correspondent à nos standards de qualité : esthétique, test batterie, composants, service client avec le renvoi de l’appareil etc. Tout est passé au crible dans nos ateliers de Paris et Bordeaux, puis noté par notre équipe de techniciens. Ces commandes peuvent intervenir à n’importe quel moment et nous permettent de garder concrètement un œil constant sur les produits vendus par nos marchands partenaires, en plus du suivi quotidien de la data.Mais nous ne nous contentons pas de ce rôle de “filtre qualité” auprès de nos marchands : nous sommes devenus une source extrêmement précieuse d’informations auprès de ces marchands, concernant leurs performances techniques et la fiabilité de leurs procédés industriels.

Vous optez ouvertement pour un style très décalé. Quel public ciblez-vous ?

Avec ce style, nous ciblons tous les types de public car notre objectif à long terme est de démocratiser la consommation de produits remis à neuf partout dans le monde, en faisant du reconditionné une alternative incontournable. C’est aussi un moyen de faire de la pédagogie auprès du grand public sur notre consommation de produits techs avec un ton plus léger !

Quelle est votre stratégie de communication ? Sur quels canaux misez-vous ?

Notre stratégie se résume en un terme qui représente notre valeur commune : sabotage. Nous voulons saboter l’industrie du neuf pour réduire l’impact de la tech sur l’environnement. Cela passe par tous les canaux, que ce soit les réseaux sociaux ou encore avec de la publicité, notamment en TV.

Comment vous démarquez-vous des autres plateformes de vente de produits reconditionnés ?

Comme dit, précédemment : nous nous démarquons avec notre rôle de tiers de confiance.

Comment évolue la consommation de produits reconditionnés ? Est-ce ancré dans les habitudes des français ?

La consommation de produits reconditionnés ne cesse d’augmenter ! Mais la marge de progression est énorme.

Ce n’est pas encore ancré dans les habitudes des Français, mais pour avoir vu l’évolution depuis presque 6 ans, il y a clairement un changement du côté des consommateurs ! C’est un véritable mouvement qui prend de l’ampleur partout dans le monde avec un changement des mentalités, nous en sommes les premiers témoins au sein de chacun des pays dans lequel nous sommes présents. Ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers des produits reconditionnés, pour le prix généralement mais aussi de plus en plus par conviction.

On le sait depuis plusieurs années, les consommateurs plébiscitent les nouvelles manières de consommer, mais dans la tech c’est un peu plus récent. Pour la plupart, les consommateurs sont au courant des problèmes liés au réchauffement climatique, aux déchets plastiques, au gaspillage alimentaire, etc. A contrario, ils ont rarement conscience de l’impact que la tech peut avoir sur notre planète. Beaucoup à la base n’ont pas conscience du véritable fléau que représente cette course effrénée à l’achat de produits neufs. C’est donc aussi notre rôle de les éduquer et de leur faire prendre conscience de ces problématiques. Ça commence à porter ses fruits !

Quels sont les avantages du reconditionné ? Est-ce fiable pour les consommateurs ?

Les avantages du reconditionné sont le prix (en moyenne de 30 à 70% moins cher que le neuf), la garantie (de 12 à 24 mois) et l’impact moindre sur l’environnement.

Nous travaillons avec nos marchands pour que les produits soient fiables. Quand nous sommes arrivés sur le marché, ce n’était pas le cas car il n’y avait pas de plateforme dédiée à la vente de produits reconditionnés et donc aucun « gendarme » sur ce marché. Nous avons endossé ce rôle en mettant en concurrence les marchands sur le rapport qualité-prix des produits qu’ils vendent. Un marchand qui ne respecte pas les standards de qualité, qui a un score qualité faible et des commentaires négatifs en nombre ne sera pas poussé par notre algorithme. Toute la mise en concurrence repose donc sur la capacité à proposer des produits de la meilleure qualité possible sous peine de voir ses ventes chuter voire devenir inexistantes, avant d’être exclu de la plateforme si aucune amélioration n’est constatée. Notre but étant d’augmenter et d’uniformiser les standards de qualité.

Vous venez de lever 110 millions d’euros. Que va permettre de financer ce montant ?

Avec notre levée de fonds de mai dernier, nous avons 2 priorités :

La qualité, en développant de nouveaux services autour de la logistique et de la réparation, de solides connaissances industrielles pour encore mieux accompagner et vérifier nos marchands. Cela passe aussi par la multiplication par 3 de notre équipe qualité en interne.

Le développement à l’international : nous allons continuer notre expansion tout en mettant l’accent sur les US, l’Allemagne et le Royaume-Uni où nous sommes déjà présents.

Comment votre activité a-t-elle évolué face à la crise de la Covid-19 ? Avez-vous noté un changement d’habitudes chez les consommateurs ?

Les Français et les consommateurs de manière générale ont été très nombreux à se tourner vers le reconditionné pendant le confinement. Nous avons vu un boom sans précédent des demandes de produits sur notre plateforme. La principale raison identifiée était le télétravail et l’école à la maison : beaucoup se sont équipés en tablettes, ordinateurs car les prix du reconditionné sont intéressants. Mais on a aussi vu quelque chose de nouveau : une accélération très importante de la diversification des produits : avec une demande très forte sur des produits comme des congélateurs, des consoles de jeux, etc.

Cela fait deux ans que vous êtes implantés aux États-Unis. Comment Back Market a-t-il été accueilli outre Atlantique ? Est-ce compliqué d’exporter une entreprise comme la vôtre à l’international ?

Back Market a été très bien accueilli outre atlantique il y a deux ans et demi maintenant, avec un modèle totalement novateur. En effet, nous sommes la première marketplace dédiée au reconditionné, donc tout était à faire. Le marché répond très bien, les États-Unis ont été notre lancement le plus rapide dans un pays et le taux de croissance est toujours aussi bon !

Exporter une entreprise à l’international comporte toujours de gros enjeux et un gros travail de la part des équipes, mais nous sommes très satisfaits de ce que nous accomplissons là-bas.

Auriez-vous des conseils à donner aux lecteurs du Journal du Manager souhaitant se lancer dans l’entrepreneuriat ? Quelles sont les leçons à retenir ?

S’entourer d’une équipe sur laquelle on peut compter, avec des gens meilleurs que soi !

Nos remerciements à Thibaud Hug de Larauze, co-fondateur et CEO de Back Market.
Propos rapportés par l’équipe de manager.one.

 

Carte-Justificatif